17 avril 2021 6 17 /04 /avril /2021 16:04

Ci-dessous le texte de l'article paru dans le numéro 43 de Ski Rando Magazine, pour les topos détaillés et photos se référer au magazine, dans sa version papier ou numérique :

https://www.skirandomag.com/2020/11/10/ubaye-devoluy-queyras-ski-plaisir-dans-les-couloirs-du-sud/

Loin des métropoles nord-alpines et des classiques de Belledonne ou des Aravis tracées plus vite que ne tombe la neige, les Alpes du Sud regorgent encore d’itinéraires confidentiels, particulièrement dans les massifs périphériques du Dévoluy, du Queyras ou de l’Ubaye. 
Cet article présente une sélection toute personnelle de couloirs dans les Alpes du Sud - hors massif du Pelvoux - itinéraires choisis pour leur esthétisme et sauvagerie mais aussi accessibilité : la dénivelée totale associée et la pente n’excédant pas respectivement 1300 mètres et 45° sur de très courtes sections. Ce sont toutes des lignes bien skiantes à la découverte d’une superbe géologie, peu ou pas fréquentées et qui méritent donc un coup de projecteur dans leur anonymat actuel. 

C’en en promenant l’été sur les sentiers et falaises et en explorant sur les écrans cartes, vues aériennes et autres photos que j’ai eu envie de découvrir ces joyaux plus ou moins cachés ; le plaisir est d’ailleurs tant dans la découverte sur le terrain les yeux écarquillés loin des « pistes battues » que dans la recherche par elle-même, et la joie de dessiner mentalement son itinéraire et d’imaginer ce qu’il laissera admirer.

Les couloirs de neige s’apprécient d’ailleurs mieux confidentiels entre « happy few ». Leur étroitesse s’accommode mal de nombreuses traces : une poignée ou même un zeste de skieurs peuvent suffire à ravager un couloir, vite troué de traces de chaussures et zébré de traces de carres.  
Nonobstant ce bémol lié à la fréquentation, le ski de couloir est peut-être ce que je préfère dans le ski de randonnée, avec les pentes parfois raides et l’ambiance mi-rocheuse mi-neigeuse qui place l’activité aux confins du ski et de l’alpinisme, mais aussi de l’escalade si près du rocher, voire du canyonisme avec les encaissements et les jeux de lumières qui vont avec. La neige sublime ces itinéraires souvent ingrats voire dangereux en conditions estivales, et il est infiniment plus agréable, sûr et rapide de parcourir ces couloirs en neige à skis qu’en caillasse à pieds !

Il m’importe de démystifier le ski de couloir : par bonnes conditions (neige meuble et stable) la descente est facile et sans risques, les éventuelles chutes s’enraient de suite et n’auront d’autre conséquence qu’un cratère disgracieux dans la neige. Nul besoin d’être un free-rideur de l’extrême et d’enchaîner tout-droits et saltos en descendant ces belles lignes : un peu de mollets et de cuisse, quelques picots en métal sous les chaussures et au bout d’un bâton et une maîtrise du virage sauté suffiront pour en profiter, sans la peur mais avec le plaisir. La descente pourra toujours se faire dans la pire des neiges en virages sautés, beaucoup moins élégants mais aussi beaucoup plus faciles que du carving ou de la godille ! Le ski de couloir, en tout cas dans la cotation 4 comme tous les itinéraires présentés dans cet article, est à la portée de beaucoup, et pas qu’aux fous du piquet et/ou collants-pipettes, bien loin de l’escalade où haut niveau rime avec esclavage à la résine et aux poutres. 
Par contre il importe de bien pratiquer… la distanciation sociale à la descente dans ces espaces … confinés ! Point de paranoïa sanitaire, le skieur aval devra juste veiller à se mettre hors de trajectoire d’une éventuelle chute du skieur amont lors de ses pauses dans le couloir.

Les itinéraires seront décrits de l’ouest vers l’est, soit du Dévoluy vers l’Ubaye en passant par le Queyras. On y évolue dans une grande diversité de rocher, du calcaire blanc du Dévoluy à la cargneule hérissée d’aiguilles du col de l’Izoard, du bonheur autant pour le skieur que le géologue ou le simple esthète…

Les Dolomites de la Jarjatte

On commence ce tour des couloirs à la frontière des Alpes du Nord, dans le massif occidental du Dévoluy. Le cirque de la Jarjatte sis au-dessus du village éponyme offre une ambiance Dolomites avec sa demi-couronne crénelée de sommets calcaires, de la Tête de Vachères à celle de Garnesier, le tout à quelques dizaines de kilomètres de Gap et de Grenoble, mais sans la foule des Dolomites. C’est un petit coin des Préalpes calcaires relativement méconnu et préservé, seuls les téléskis de la petite station de la Jarjatte équipant les flancs de ces montagnes. Les deux couloirs proposés s’atteignent justement depuis la station ; ils offrent des lignes sauvages dans une géologie insolite et esthétique, entre des dalles relevées de calcaire blanc. 
Le couloir nord de l’épaule nord du Roc de Garnesier (… ouf !), trop fin pour être discernable sur la carte IGN, invisible du village et des sommets environnants, débouchant sur un collu suspendu et non pas un sommet, reste d’ailleurs à ma connaissance oublié de presque tous les topos papier ou Internet. 
Il s’accède pourtant vite et facilement depuis la station, et offre une ambiance exceptionnelle par son encaissement. Suivant la taille du portefeuille et de l’entraînement, on pourra utiliser soit les téléskis soit les mollets pour rejoindre le haut de la station. Une courte approche dans les épicéas amène à l’entrée de la ligne sous une forêt d’aiguilles de calcaire. On remonte alors un couloir rectiligne dont les parois déversantes se resserrent, jusqu’à presque se fermer à mi-hauteur. Passée cette simili-arche naturelle, le couloir s’élargit entre une lame de calcaire lisse et blanc à droite et une haute paroi à gauche, avec des jeux de lumière qui rappellent ceux des canyons, une ambiance splendide qui se prolonge à la sortie du couloir sur une selle neigeuse suspendue en face ouest du Roc de Garnesier, face au Vercors et au-dessus d’un impressionnant gendarme de calcaire.
Pour les stakhanovistes du virage sauté, ce couloir peut s’enchaîner avec le couloir ouest de l’Aiguille, moins raide et moins long mais aussi esthétique, avec sa ligne droite de neige tracée entre des murs de calcaire parfaitement lisse.


Les couloirs de la Casse Déserte
Les cyclistes connaissent bien la Casse Déserte, ces grands éboulis parsemés d’aiguilles versant sud du col de l’Izoard, qu’ils ont tout loisir d’observer durant leurs derniers kilomètres de souffrances ! Hormis les skieurs de fond qui remontent la route fermée, les montagnards connaissent curieusement beaucoup moins ce secteur : le rocher pourr… euh fracturé des lieux n’incite pas à s’aventurer près de ces chicots rongés par le gel et la pluie, et d’ailleurs entourés d’éboulis qui en disent long sur leur solidité. Ni randonneurs ni grimpeurs, et au final personne l’été entre ces monolithes de cargneule, pourtant tout près de la Casse pas si Déserte peuplée de touristes et d’engins motorisés d’autant plus bruyants qu’ils ont moins de roues. L’hiver est en fait de loin la meilleure saison pour excursionner dans ce décor presque fantasmagorique de falaises compactes de cargneule jaunâtre et d’aiguilles de conglomérat dressées telles des pénitents, dont le gel atténue pour quelques mois la fragilité.
Cerise sur le gâteau glacé, des couloirs dessinés pour le ski, invisibles du bas, s’insinuent entre ces aiguilles de cargneule, en sortant sur d’étroites crêtes neigeuses, au milieu de forêts d’aiguilles coiffées de chapeaux de neige. On pense à du land art revisité par Gaudi, une Sagrada Familia de l’ouest-Queyras, une armée de pénitents gelés pour les hauts-alpins, ou à des hoodoos made in France pour les amateurs de l’Ouest américain. Ces couloirs jamais très raides peuvent s’enchaîner à loisir tant que la montre et les jambes le permettent, et il vous sera aussi difficile de vous résoudre à la dernière descente que de renoncer à votre doudou quelques décennies plus tôt !


Le calcaire de l’Ubaye
La haute Ubaye est un petit paradis du ski de couloirs ; on y trouve d’ailleurs de nombreuses et belles lignes dûment topographiées et relativement classiques, même si l’éloignement de ce massif le préserve de la sur-fréquentation. Je vais décrire ici deux couloirs aussi confidentiels qu’insolites dans les deux principales vallées de l’Ubaye : le couloir sud-est de la conque de Panestrel perché loin au-dessus de l’Ubaye et, afin que rime se fasse, le couloir sud de l’arête de la Portiolette au-dessus de l’Ubayette.
Mon premier s’atteint par un itinéraire tournant au départ du vallon des Houerts, délicat en partie basse dans une forêt raide et dense puis remontant les longs faux-plats du vallon des Houerts sous les grandes falaises du Sommet Rouge, avant de bifurquer à droite vers le vallon suspendu de la Conque de Panestrel. Après ces longs préliminaires, on peut enfin se projeter dans la gorge profonde ([sic]) du couloir entre les dalles redressées de marbre et de calcaire. Le couloir plonge depuis le point 3018 vers les méandres du torrent des Houerts 700 mètres plus bas. On y skie au milieu de pinacles gris et beiges parfois dressés en feuillets verticaux dans une géologie aussi insolite qu'esthétique. C’est beau et long, jamais très raide ni étroit, de quoi avoir des étoiles dans les yeux en plus de l’acide lactique dans les cuisses !
La courte remontée au col du Sanglier, bien mal-nommé en l'occurrence puisqu'il permet d'éviter la bartasse du bas du vallon des Houerts, permet de basculer sur le vallon de Panestrel plus skiant que celui des Houerts, particulièrement si l’on prend le grand couloir ouest situé juste au sud du point coté 2385.

Le couloir sud de droite de l’arête de la Portiolette, dit aussi « couloir des aiguilles » est d’approche plus commode au-dessus de l’Ubayette : un long vallon certes, mais beaucoup moins que les Houerts, pour parvenir sous la grande face sud de l’arête de la Portiolette, striée de différents couloirs dont celui de gauche (en montant) est sans doute le plus beau. Il se glisse entre les tours et les feuillets verticaux de calcaire, l’un de ces minarets de calcaire rive gauche prenant même la forme d’un clocher à bulbe, quand esthétisme rime avec syncrétisme ! Un pèlerinage en crampons et à skis s’impose dans ces cathédrales de calcaire relativement faciles d’accès et dont l’approche ne relève donc pas du chemin de croix…


Période    
Ces itinéraires peuvent s’envisager par enneigement stabilisé, couramment donc dès les chutes de neige permettant d’aplanir les couloirs et d’éviter les requins, mais pas trop tard en saison pour éviter les goulottes, donc quelque part entre décembre et fin avril, à affiner suivant l’altitude et l’orientation des itinéraires. A noter que les calcaires et cargneules déliquescents dominant respectivement les itinéraires décrits dans le Dévoluy et le Queyras ont une fâcheuse tendance à s’ébouler par redoux et dégel, si bien que ces parcours sont à privilégier par températures froides et pas trop longtemps après les dernières chutes de neige. Autant dire que les meilleures conditions ne se rencontrent pas si souvent ; il faudra donc être à l’affût des bulletins nivo-météorologiques et faire preuve d’opportunisme.

Matériel
Ici encore plus qu’ailleurs le port du masq… euh du casque est obligatoire, il protégera votre tête – sûrement bien faite mais en tout mal renforcée - des chutes de pierres et des chutes… tout court, sur neige dure et/ou caillou. Indépendamment du matériel habituel de sécurité, crampons et un piolet devront décorer le sac mais également les chaussures et la main dès que l’état de la neige l’exige.


Cartes
Les cartes IGN/Top 25 des massifs concernés et/ou Iphigénie par exemple pour les geeks qui ne jurent que par le 0 papier.

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