Ci-dessous le texte intégral - hors topos - de l'article paru dans le numéro 50 de Ski Rando Magazine sur ma virée à skis autour d'Andalsnes en mars 2022 :
Envie d’une parenthèse dans le quotidien parfois un peu étriqué du métro/boulot/dodo ? Pas envie de retrouver votre voisin de palier en voisin de serviette dans un club de vacances exotique aux allures de camp fortifié, ou de vous enfermer à Sarcelles-sur-Neige pour y prendre le métro alpin ?
Pour assouvir vos fantasmes de sea, snow and sun, allez donc plutôt mettre le cap sur la côte norvégienne, là où trace de montée aux allures de piste de ski de fond et combe de descente plus bosselée que la piste rouge des chamois à SuperTruc-les-Alpes ne seront plus qu’un lointain souvenir (mais vous serez peut-être plus gâté en snow qu’en sun…) !
La Norvège offre aux skieurs adeptes de vues mer les milliers de kilomètres de sa côte ouest découpée en fjords, d’anciennes vallées glaciaires envahies par l’Atlantique qui prennent la forme de bras de mer encaissés. C’est un plaisir un peu terni de frustration que de naviguer devant un écran sur les cartes locales, tant de belles pentes skiables et sauvages et si peu de temps… et encore moins de créneaux météo dans cette région très humide.
Alors pourquoi viser pour votre virée septentrionale de l’année les fjords de Molde, Romsdal plutôt que les centaines d’autres envisageables, et notamment ceux plus connus en France des Lofoten ou des Alpes de Lyngen beaucoup plus au Nord ? Peut-être pour réduire le déplacement de plus de 1000 km, sa durée, son coût et son bilan carbone, un argument qui ne saurait laisser indifférent dans ce pays chantre de l’écologie politique (mais gros exportateur de pétrole et de gaz !). Vous pourrez également terminer le trajet en train ou en voiture depuis l’aéroport d’Oslo, beaucoup mieux desservi que ceux de Harstad ou Tromso. Les aurores se feront moins fréquentes et spectaculaires sous ces latitudes moins boréales que dans le grand Nord Végien, mais vos journées seront plus belles que vos nuits, avec ici comme ailleurs des sessions de ski au-dessus des vallées noyées en U, et ici comme pas ailleurs un vivier de couloirs exceptionnel en regard de leur ampleur et facilité d’accès.
La vallée de Romsdal, célèbre en Norvège pour le Mur des Trolls qui ferme sa rive gauche, est en effet bordée de grandes parois de granite coupées de couloirs sur les vingt km de son extrémité aval, et sa rive droite notamment offre des lignes superbement encaissées, aisément repérables, observables et atteignables depuis la route du fond de vallée. On y profite donc de longues entailles de neige entre granite et cascades de glace, le tout à seulement quelques centaines de mètres d’altitude - pile au-dessus de la route du fond de vallée, et de conversions ou virages juste à côté d’épées et de stalactites de glace bleutée rares en ski, de quoi goûter à l’ambiance cascade de glace sans acide lactique dans les avant-bras, et sans adrénaline lorsqu’il faut lâcher un piolet pour tenter de visser sa broche dans la glace cassante !
Plus à l’ouest, au-dessus d’Isfjorden notamment, c’est le domaine des courses plus classiques, avec des routes (à péage) dégagées tout l’hiver qui s’élèvent de quelques centaines de mètres au-dessus des fermes à saumons. Au départ de ces parkings d’altitude on peut donc échapper au dur boulot de la trace dans les bouleaux sous 400 mètres, et atteindre des sommets aux formes douces de plus de 1000 mètres, sans jouer des coudes et des bâtons dans la forêt de basse altitude.
Vous y croiserez d’ailleurs beaucoup de locales et de locaux le week-end. Si votre parade nuptiale à base de dessins de belles courbes dans la poudreuse n’aura pas été récompensée avec le ou la grand.e blond.e de vos rêves, et à défaut d’ « histoire d’O » avec celle ou celui-ci, vous trouverez ici… des « histoires d’eaux ». De l’eau sous toutes ses formes, couleurs et phases : des lacis des fleuves d'eau salée des fjords aux pastilles blanches des lacs gelés, des cascades de glace blanche et bleue sous les falaises aux torrents impétueux ou figés par l’hiver, des neiges dans leur infinie variété aux nuages de vapeur d’eau - qu’il est parfois difficile d’éviter dans ce climat humide !
Encore plus vers le couchant, cette fois littéralement… entre les fjords, on peut facilement improviser des itinéraires depuis les routes côtières - avec départ dans les forêts de bouleaux ou la tourbière, puis profiter des combes et couloirs d’altitude avec vues panoramiques sur les fjords et le grand large.
C’est le ski à ambiance maritime qui fait le sel du ski en Norvège, mais sur des montagnes à peu près inconnues, où vous croiserez plus de lagopèdes que d’humains, de quoi conjurer le temps qui file en vous fabriquant de la matière mémorielle. Après le temps répétitif du quotidien, parfois presque transparent, c’est en montagne qu’on trouve ce temps suspendu au sens propre et figuré, ce temps court dans le calendrier mais long et profond par les traces qu’il laisse dans les sens et la mémoire. C’est quand le bruit de la ville devient le silence de la montagne que le son sort du bruit de fond et que le silence devient bruit ; l’oreille enfin libérée du brouhaha urbain se concentre sur le coassement d’un chocard ou le cristal d’une stalactite de glace qui s’effondre. L’hiver exacerbe encore plus l’acuité des sens, avec la neige qui lisse les sons et étouffe les reliefs, lorsque sur le grand manteau blanc les seuls motifs sont ceux laissés par les pattes d’un lagopède et le seul son est le chuintement du vent. C’est peut-être dans cette austérité et ce dépouillement, cette isolation sensorielle qui n’en est pas une, cette vie limitée à une ligne tendue entre un point de départ et un sommet, qu’on trouve une liberté qu’on a perdue dans le quotidien matérialiste et encombré ; pourquoi va-t-on en montagne : « pour s’échapper de prison », dirait Ludwig Hohl (cf. son très beau roman « Ascension »)…
Trêve de philosophie à trente centimes d’euros, la Norvège ne se limite pas à ses lagopèdes et à ses vents ; c’est aussi un pays avancé où modernité et vie traditionnelle se côtoient pour le plus grand plaisir des yeux. Aux impressionnants ouvrages d’art des routes côtières – ponts suspendus et tunnels de plusieurs kilomètres - succèdent imperturbablement les petits villages d’éleveurs et de pêcheurs avec leurs maisons colorées en bois et leurs antiques stavkirke ; aux enclos des moutons qui s’ébrouent dans les champs répondent les disques des fermes à saumons quelques centaines de mètres au large, bref autant de quoi rendre les approches routières plus intéressantes !
Les suggestions d’itinéraires ci-dessous vous donneront un fil d'Ariane dans le labyrinthe de fjords, et si sur les cartes locales vous vous sentez lost in translation entre les store, tinden et autres vatnet, il vous restera toujours le viatique des topos ci-dessous à la recherche de la plus belle ligne ou du plus beau point de vue !
EN PRATIQUE
Période
La meilleure période s’étend de mi-février à mi-avril au plus tard, mi-février pour disposer d’une durée de jour suffisante et mi-avril pour une neige encore présente et pas trop dégradée à basse altitude.
Sites de prévisions nivo-météorologiques
L’enneigement de cette région située à plus de 60° de latitude nord peut être plus capricieux que sa position septentrionale le laisserait penser, la faute au Gulf Stream qui apporte un climat océanique doux. Même au cœur de l’hiver, ces montagnes d’altitude modérée partout inférieure à 2000 mètres -la plupart des départs de rando se faisant au niveau de la mer – ne sont pas à l’abri de redoux pluvieux altérant l’enneigement tant quantitativement que qualitativement.
Il est judicieux de vérifier sur le Web les conditions d’enneigement avant le départ, d’autant plus que la Norvège offre un site de suivi de l’enneigement exceptionnel, unique au monde à ma connaissance par la densité de son maillage spatial : www.senorge.no/map. Ce service donne et prédit l’épaisseur et la qualité du manteau neigeux sur l’ensemble du territoire norvégien, avec un pas de seulement quelques centaines de mètres de largeur !
Le site http://www.varsom.no/en/ fournit quant à lui une estimation des risques naturels, dont un bulletin actualisé quotidiennement pour les avalanches, avec là également un maillage géographique par massif très fin, et une richesse d’informations qui n’a rien à envier à celle de ses homologues français ou suisses.
Pour la prévision météorologique, on peut comme toujours surfer sur www.meteoblue.com (qui donne accès aux sorties de nombreux modèles météo différents) ou sur le site local https://www.yr.no/en
Formalités administratives
La Norvège fait partie de l’espace Schengen mais pas de l’Union Européenne ; une carte d’identité suffit pour rentrer sur son territoire. Il est malgré tout recommandé de vérifier les conditions de voyage sur le site « conseils aux voyageurs » https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/conseils-aux-voyageurs/conseils-par-pays-destination/norvege/, qui vous informera entre autres d’éventuelles restrictions sanitaires encore/à nouveau en vigueur.
Comment y aller
Pour rejoindre Oslo le plus rapide est bien sûr l’avion, de nombreuses compagnies desservant la capitale norvégienne depuis Paris ou les métropoles de province. A noter que chez Lufthansa le transport du matériel de ski (planches + chaussures) est… totalement gratuit !
Pour les intégristes du bilan carbone, il est possible de gagner Oslo en train, compter plus de 24 heures de voyage et quelques correspondances, mais le charme d’une montée progressive en latitude…
Se déplacer
Il est possible et facile de rejoindre Andalsnes depuis Oslo ou son aéroport en train (1 ou 2 changements, correspondance courte), de là il doit par contre être difficile de se passer de voiture particulière.
On trouve évidemment des locations de voiture à l’aéroport d’Oslo, aisément mais chèrement (les pneus neige étant évidemment de série en Norvège).
Ici encore plus qu’ailleurs, attention à bien respecter les limitations de vitesse, question de sécurité routière mais aussi… financière avec de nombreux radars et des amendes pour excès de vitesse qui chiffrent bien au-delà des 500 euros !
Budget
C’est là que le bât blesse, ou plutôt que le… bas de laine souffre ! La Norvège est un pays cher, aux niveaux de vie et salaires élevés, et qui importe une grande partie de ses biens de consommation. Même le carburant dans ce pays parmi les plus grands producteurs au monde de pétrole et de gaz affiche un prix bien plus élevé qu’en France.
Et inutile de noyer votre chagrin de « nouveau pauvre » dans l’alcool, les bières se vendent ici près de 5 euros en supermarché !
Vous faudra-t-il pour autant souscrire un crédit à la consommation et mettre votre maison en gage ? Non, car des solutions existent pour ne pas être trop au sud à l’ouest financièrement à votre retour, comme expliqué ci-dessous !
Hébergement
L’hôtellerie classique est chère, mais on trouve souvent des campings qui proposent des bungalows à tarif raisonnable (compter environ 100€/nuit pour 2 à 4 personnes). Autre option envisageable pour celles et ceux qui ne paient pas l’ISF : les hébergements du type location chez des particuliers (comme airbnb pour ne pas le citer), où l’on peut trouver des chalets pour 2 à 4 personnes pour 150 à 250 €/nuit, ambiance cosy et vue sur les montagnes et/ou le fjord inclus.
Pour ces deux familles d’hébergements les cuisines intégrées permettant de se faire à manger réduiront un budget restauration qui pourrait sinon vite s’élever (compter 15 à 20 euros pour une pizza, et 10 euros pour un sandwich) !