Les 14 et 15 août 2014
Après le but météo du début de semaine aux Bans retour en alpinisme dans le massif des Ecrins pour y viser l’arête sud-est de la pointe Louise au-dessus du Glacier Blanc. Après une grande voie d’Ailefroide interrompue par la montre, on monte bivouaquer près du refuge du Glacier Blanc, sous un vent de nord glacial qui nous précipitera dans nos duvets et sur sacs sitôt le réchaud éteint. Après une nuit tiède dans les plumes d’oie du duvet couvert de givre au petit matin, on se mettra vite au réveil dans les plumes des doudounes, pour une approche rapide jusqu’au pied de l’arête communément appelée sud-est de la pointe Louise. Toute la face nord à droite de l’arête est encore bien plâtrée par les chutes de neige de l’avant-veille, maintenues intactes par les températures bien fraîches de cette fin de semaine, mais le fil de cette arête dite « sud-est » (donc a priori ensoleillée et où la neige a donc déjà fondu) apparaît sec vu de l’attaque, et 2 cordées déjà engagées me donnent une fausse confiance dans les conditions de l’itinéraire.
Les premières centaines de mètres de l’arête sont vite remontées corde tendue puis en tirant quelques longueurs sur du bon gneiss qui se protège bien, et on rattrape en 1h30 mn les 2 cordées vues depuis l’attaque, qui ont perdu beaucoup de temps en quittant le fil. Encore un beau passage de grimpe équipé d’un piton, et subitement l’arête prend un visage beaucoup plus hostile avec une ligne qui tourne vers le versant nord et du rocher qui devient moins compact et plus déliquescent. L’enneigement du versant nord à droite de l’arête nous contraint à passer par le fil et surmonter un gendarme en V non protégeable, si ce n’est par une sangle posée 10 mètres plus bas sur un bloc coincé, et une fois le gendarme gravi, les jambes un peu flageolantes par l’engagement du passage, je découvre une arête enneigée qui vient mourir au pied de dalles de gneiss couvertes de neige et de verglas, juste sous l’arête sommitale. Encore 15 mètres gravis sur la gauche avec des protections plus qu’aléatoires, et je parviens sur une minuscule plate-forme rocheuse où une sangle posée sur un micro-becquet offre la seule protection possible. Au-dessus de mon relais de fortune une quinzaine de mètres de dalle verglacée et couverte de neige, compacte et sans aucun assurage possible visible. Il faudrait déblayer les fissures pour envisager de poser des friends, mais l’assurage aléatoire sur un mauvais relais n’incite guère à se lancer pour retrouver l’arête sommitale toute proche mais donc inaccessible. La descente en rappels semble également très dangereuse sans amarrages naturels au départ, puis sur 300 mètres de rochers brisés souvent branlants, et après concertation avec les 2 cordées suivantes, qui ont également stoppé juste en-dessous, on se rend vite à l’évidence qu’une progression vers le haut ou le bas serait extrêmement risquée. On ne peut donc que s’en remettre à la fée hélicoptère et secours en montagne, et le portable qui par chance capte nous amène les secouristes en moins d’une heure, puis le treuil salvateur qui nous sort de cet itinéraire décidément pas en conditions. 30 minutes plus tard et voilà les 3 cordées en bas de l’arête sur le Glacier Blanc, pour faire le bilan de nos erreurs et remercier les secouristes, qui rentrent justement d’une intervention longue et complexe sur le pilier sud de Barre Noire, où 2 grimpeurs hollandais bloqués par la neige n’ont pu être extraits qu’au prix d’une nuit d’efforts avec notamment la pose par les secouristes de dizaines de pitons et de 300 mètres de cordes fixes !
Un été décidément bien compliqué pour l’alpinisme, où les rares créneaux météo apparemment favorables voient les prises de risques se multiplier et les grimpeurs s’engager dans des itinéraires aux conditions hivernales. Une bonne leçon de montagne pour moi, heureusement sans conséquences fâcheuses grâce au travail des sauveteurs ; l’arête de la pointe Louise n’a de sud que le nom, et je n’aurais pas du m’engager dans un itinéraire de haute montagne engagé, dont l’enneigement n’était pas connu…
Sommet : 3700 m
Difficulté : AD (en conditions sèches...)
Dénivelée :
J1 : 1850-2550
J2 : 2550-3500-1850
le Glacier Blanc
vue depuis le secteur de la Draye
un peu de grimpe... avant de mettre les 15 kg du sac sur le dos
durant l'approche, devant les gendarmes de Clouzis
jeux de lumières vers le pré de Madame Carle
au bicouac, pose longue vers les faces nord du Glacier Noir...
... et au réveil, le givre partout !
durant l'approche, à 2900 m sur le Glacier Blanc
dans la première partie de l'arête, au-dessus de la face nord enneigée
encore de bonnes fissures pour se protéger...
... et des relais confortables, photo de Nicolas
... même s'il faut grimper entre les protections, photo de Nicolas
toujours du bon caillou... sec sur l'arête
... même si l'ascension se corse au-dessus du mur pitonné...
... sur un gendarme de rocher pourri et difficile à protéger...
... mais le pire est à venir : une dalle de gneiss verglacée et improtégeable !