Du 28 mars au 5 avril 2018
Semaine de ski de randonnée avec un intermède d'escalade côtière dans les Abruzzes. La longue chaîne des Apennins, épine dorsale de la botte italienne, trouve son point culminant dans le massif du Gran Sasso au Corno Grande, un sommet calcaire élancé qui domine de 1000 mètres le haut plateau du Campo Imperatore au sud et de près de 3000 mètres la mer Adriatique quelques dizaines de kilomètres à l'est. Autour de ce culmen les Abruzzes se constituent d'un ensemble de montagnes bien individualisées séparées les unes des autres par de vastes plaines agricoles ; on ne trouve donc pas ici la compacité d'un massif alpin mais des sommets distincts parfois bien alpins. Les zones sauvages précocement protégées par un parc national ont su garder une faune rare ou disparue ailleurs en Europe occidentale, avec entre autres encore plusieurs dizaines d'ours, et on aura la chance de voir sur une seule journée aigle et loup à skis, puis un porc-épic sur la route de nuit.
Malgré la latitude méridionale l'enneigement s'y avère souvent généreux, les perturbations d'est arrosent copieusement le massif au moins d'y provoquer parfois de sérieuses crues avalancheuses, comme en janvier 2017 où le souffle d'une avalanche à rasé l'hôtel Rigopiano. Les tempêtes d'ouest fréquentes sur cette barrière montagneuse coincée entre 2 mers platrent les falaises sommitales comme rarement dans les Alpes, le skieur qui traîne alors ses spatules vers le Grand Sasso passe des allures arctiques de l'immense plateau du Campo Imperatore au givrage patagonien des faces ouest, le tout en avril à une centaine de kilomètres à vol de gypaète de Rome !
Et puis on a beau être en montagne on reste en Italie, avec donc une bonne gastronomie et un riche patrimoine historique, l'occasion d'arpenter les ruelles d'un village médiéval perché entre primi et secondi piatti...
On skiera les beaux couloirs du massif du Sirente et du Grand Sasso, avec leur décor particulièrement esthétique de corridors de calcaire gris blanc étroits et dominés de pinacles, un véritable chaos dolomitique, et fera une virée de 2 jours vers Naples et les falaises de Gaeta durant le passage d'une perturbation en montagne. Mention spéciale pour les falaises de Gaeta et la splendide voie Béatrice, 5 longueurs en 5c max qui valent les plus belles voies des calanques marseillaises.
Côté ski du beau, du bon, et parfois les 2 en même temps, pour 4 journées sur 5, sur un enneigement globalement abondant mais très dépendant des massifs et de l'exposition, au vent et au soleil. On peut chausser entre au plus bas 1200 et au plus haut 1800 mètres (à la voiture tous les jours pour nous), avec de grosses épaisseurs au-dessus sous le vent d'ouest. La station de ski de Campo Imperatore a d'ailleurs du casser une congère pour qu'un télésiège puisse circuler... En terme de qualité une grosse chute de neige la veille de notre arrivée et une petite le week-end alors que nous avions troqué les coques contre des chaussons, et donc poudreuse au nord, moquette au sud, par contre un peu de neige pourrie le 31 faute de regel nocturne. À noter que la neige de printemps reste al dente à des heures tardives grâce au vent d'ouest, perfetto pour des skieurs lève tard comme nous...
J1 : monte Sirente par le Canale Maiori, puis couloir nord de l'antécime est
Sommet : 2400 m
Dénivelée : 1550 m (1200 2400 1950 2300 1200)
Difficulté : 5.1, 300 m à plus de 40° avec départ à près de 50° sur 50 m
Début en fanfare de cette semaine de ski sous un soleil radieux, sans vent, et sur 20 à 50 cm de poudreuse tombée les jours précédents. On rattrape vite 2 Suisses qui ont ouvert la tranchée dans le Canale Maiori, les relaie quand la fraîche se fait moins profonde ([sic]), puis après 500 mètres de descente en bonne poudreuse, remonte dans un couloir encaissé qui nous avait lancé des oeillades durant la première montée. Le couloir dont on n'était pas sûr qu'il sorte débouche bien sur une antécime, et on profite d'une descente d'anthologie entre les tours de calcaire blanc ourlées de corniches. Au-dessus de la forêt de hêtres, un énorme vivier de couloirs et de goulottes que cette face nord du Sirente !
au départ dans la hêtraie
dans le canale Maiori, et sa belle ambiance alpine
sur la crête sommitale, devant la Majella
poudreuse en haut du canale Maiori
à la montée dans le couloir nord de l'antécime est
à la descente, superbe ambiance et excellent ski !
J2 : monte Prena par le couloir sud-est
Sommet : 2550 m
Dénivelée : 1100 m (plus 10 km aller-retour de faux plat à l'approche...)
Difficulté : 4.1
Comme la veille encore un itinéraire majeur, dans une neige par contre plus lourde, et une météo moins belle. La face sud-est du Prena est un délire géologique à base de calcaire, partout des tours et chicots aux formes improbables entre lesquels s'immiscent des couloirs sortant sur la crête faîtière et sa vue mer, une forêt d'aiguilles dessinée pour le skieur de couloirs ! Un passage de cumulus accrochant le sommet nous y cachera le panorama, mais on se rattrapera 4 jours plus tard sous le plein soleil sur le sommet voisin de l'Infornace.
Calascio et Rocca Calascio sur la route d'approche
après une heure d'approche, arrivée au pied de la face sud-est du Prena
montée entre les chicots et aiguilles de calcaire
arrivée au sommet, vue sur l'Adriatique et les rochers givrés
à la descente, ambiance de chaos dolomitique
sur le haut-plateau du Campo Imperatore, la face et ses aiguilles dans le rétroviseur
J3 : monte Greco depuis la station de Roccaraso
Sommet : 2300 m
Dénivelée : 1000 m (1550 2050 1950 2300 1950 2100 1550)
Difficulté : 3.1
Après 2 tentatives avortées sur la Majella sans même sortir de la voiture (route barrée par un éboulement puis pas de neige) on se rabat sur le monte Greco au départ de la station de Roccaraso, une jolie balade quasi-nordique sur un haut-plateau ce jour battu par les vents. Pas de grand ski par contre aujourd'hui, la faute à un regel nocturne inexistant, même si de toute façon les longs faux-plats de cet itinéraire n'ont rien de comparable avec les beaux couloirs des 2 journées précédentes...
le village de Pacentro sur la route de la Majella, avant le demi-tour pour cause de route barrée
sur le haut-plateau puis au sommet du Greco, ambiance arctique si ce n'est le soleil haut dans le ciel
J6 : Infornace par le couloir sud-ouest
Sommet : 2450 m
Dénivelée : 1150 m (plus 15 km aller-retour de faux plat à l'approche...)
Difficulté : 3.1
Après la pause tourisme à Naples puis grimpe à Gaeta des 2 journées précédentes, retour sur les skis dans un splendide couloir, encaissé et alpin même s'il ne dépasse jamais 30° (!), encore plus avec les parois de calcaire plâtrées par la tempête d'ouest de la veille. Une fois de plus l'approche s’avérera longue (près de 2 heures de faux-plat) depuis la route de campo Imperatore, mais vite oubliée dès qu'on pénètre dans la partie haute du couloir de Fonte Rionne et sa forêt d'aiguilles. Plus haut on profitera au sommet d'une vue panoramique des montagnes à la mer, avant une descente globalement correcte, de la poudreuse humide... à la collante du bas, l'occasion de voir un loup détaler devant nos spatules à notre arrivée sur le plateau du Campo Imperatore. Mais il se montrera trop rapide pour mon appareil photo, à l'instar du porc-épic aperçu le soir même dans les phares de la voiture !
village perché durant l'approche routière
après les 2 heures d'approche, éboulis coloré au bas des pentes
dans le couloir de Fonte Rionne, et sa forêt d'aiguilles plâtrées
au sommet, vue vers le Corno Grande et panoramique vers la Majella
à la descente, ambiance splendide, un petit air de Patagonie !
en bas du couloir, toujours une géologie esthétique
J7 : Corno Grande par les couloir direttissima à la montée et Bissolati à la descente
Sommet : 2900 m
Dénivelée : 1000 m
Difficulté : 4.2
Encore un très bel itinéraire en boucle conduisant au sommet des Abruzzes, plâtré pour les rochers supérieurs et en meilleure neige que la veille (bonne transfo à poils longs sur le bas à 14h). Le couloir Bissolati, déjà parcouru en 2017 à la montée, avec un enneigement largement inférieur, ne doit pas être pris à la légère malgré son caractère classique, avec sa pente qui se raidit ... à mesure qu'on le descend et son caractère tournant qui rendrait une chute dangereuse par neige dure.
à la montée, dans l'approche
en crampons dans la direttissima
du sommet, vue vers le lac de Campotosto et panoramique de l'Intermesoli à l'Adriatique
à la descente dans le couloir Bissolati, ambiance patagonienne avec les rochers givrés
seconde descente du jour sur la moquette du Monte Aquila