L'expédition n'a pas eu seulement un intérêt alpinistique et "ethnologique", à la découverte des parois calcaires et bergers Kurdes, mais aussi botanique, avec de splendides prairies fleuries vers 2800-3000 m (un vrai calvaire pour un allergique comme moi !), et glaciologique, avec encore des glaciers importants quoique en retrait accéléré.
Ces montagnes calcaires culminant à seulement 4150 m comportent en effet de beaux glaciers malgré les températures estivales caniculaires et la sécheresse absolue que nous avons constatées en juillet/août 2011.
Qu'on en juge : près de 38°C l'après-midi dans la ville de Hakkari pourtant perchée à 1800 m d'altitude dans les contreforts du massif, un isotherme 0°C à plus de 5000 m durant plusieurs mois et aucun regel nocturne même à 3500 m l'été (même si la neige reste dure en permanence, étant recouverte de poussière, sans doute en provenance du désert irakien à seulement quelques centaines de kilomètres au sud). Pourtant le massif est encore doté de beaux appareils glaciaires blottis sur ses versants nord, avec une ligne d'équilibre actuellement localisée sans doute aux environs de 3600 m, restant malgré tout très basse pour la région (pour des expositions également nord elle se situerait sans doute d'après les cartes/photos que j'ai pu voir au-delà des 4000 m sur l'Ararat voisin et des 4200 m dans l'Elbourz iranien que j'avais parcouru en 2005). Les hivers doivent être très enneigés dans le Kurdistan !
Le glacier le plus important reste celui du Suppa Durek, dont le front s'arrête actuellement aux alentours de 3000 m alors que des photos plus anciennes (1900) tendraient à prouver une altitude minimale de 2500 m il y a quelques décennies. Les rochers polis et lacs de moraine troubles témoignent d'un recul rapide et important. Début août 2011 les deux tiers de la surface du glacier étaient déjà complètement à vif, parcourus de dizaines de bédières à gros débit mettant en évidence un bilan de masse déjà très négatif plusieurs semaines avant la fin de la saison d'ablation. De quoi être pessimiste sur l'avenir à court terme de ces glaciers qui constituent actuellement via leurs torrents de fonte l’une des seules sources d’eau de la région l’été !
Ci-dessous quelques photos qui témoignent du recul du glacier nord du Suppa Durek, avec des cadrages relativement proches (on voit l’amincissement du glacier et son recul en aval) ; il est également intéressant de suivre la diminution puis la quasi-disparition du névé suspendu situé sous la face nord de l'Elsan à gauche des photos :
en 1900 :
en 1969 durant l’expédition de Bernard Amy (photo de couverture de son bel ouvrage la relatant « la montagne des autres ») :
en 2011 durant notre expédition :
vue en 2011 de la partie aval du glacier, à vif, et du lac morainique de fonte, depuis le pilier est de Mirhamza :
Une photo montrant la survie malgré tout de beaux glaciers dans le massif (le glacier nord-ouest du Resko situé dans un cirque nord, au pied de parois de près de 1000 mètres de hauteur, et dont le front se situe à une altitude d’environ 2700 m) :
même si là encore le recul est flagrant entre 1969 et 2011 :
Remarquez la disparation de la zone enneigée/englacée en bas du couloir partant de la selle entre les 2 sommets au centre-gauche des photos, la neige et la glace étant en 1969 presque continues entre la rimaye en bas du couloir et le névé suspendu situé sous le sommet de droite.