Le 15 août 2021
Voie "amistad con el diablo", sortie par la voie « Cepeda » au Naranjo de Bulnes (pic Urriellu)
Sommet : 2500 m
Dénivelée : 1600 m dont 300 m d'escalade partiellement équipée (au niveau des relais), quelques spits dans les pas durs et non protégeables, escalade malgré tout engagée et parfois exposée pour le leader
A mon sens 4c/5b/6a+/5c/5c/4c/5c/6b patiné ou A0
Ascension à la journée du sommet phare du massif des Picos de Europa, le Naranjo de Bulnes (ou Picu Urriellu en Asturien), un véritable pain de sucre de calcaire de plus de 2500 mètres de haut planté au nord du massif, à guère plus de 20 km à vol d’oiseau de l’Océan Atlantique au nord. C’est un très beau massif peu connu en France que ces Picos de Europa, de grands sommets calcaires situés 200 km à l’ouest des Pyrénées, culminant à 2650 m mais d’un caractère alpin très marqué à proximité immédiate de la mer, avec de profondes vallées à 200 mètres d’altitude dominées par des versants raides de parfois plus de 2000 mètres de haut. Loin au-dessus de ces gorges de basse altitude, le haut-massif s’apparente à une forêt d’aiguilles de calcaire, la plus belle et emblématique étant le Naranjo de Bulnes.
Depuis Sotres (attention piste aux places de stationnement rares et prises dès 8 heures du matin) la montée au refuge Delgado Ubeda fait passer des paysages de pâturages verdoyants couverts de bruyère en fleurs au monde minéral des pelouses alpines et des aiguilles de calcaire en quelques centaines de mètres, le temps d’émerger de la mer de nuages qui noie les montagnes sous la cote 1500 m. On atteint (à bon rythme) le refuge en une heure et demi de marche, sous les 600 mètres verticaux et compacts de la formidable face ouest, trop longue pour être sortie à la journée depuis la vallée.
Direction donc la face est, moins haute et dure, pour la voie « amistad con el diablo », avec mon guide Juan embauché pour l’occasion, et qui s’est avéré être… un ex-collègue de travail ! Le monde est petit, mais la face est grande, impressionnante de compacité vu du bas, un mur de lapiaz de 300 mètres de haut lisse ou strié de cannelures verticales. La voie s’avère homogène dans le V (avec un pas d’adhérence en 6a+ dans L3, protégé d’un des rares spits de la voie), mais particulièrement engagée avec seulement les relais équipés sur un calcaire peu adapté aux coinceurs. Notre leader grimpera d’ailleurs souvent 10 à 15 mètres dans du gros V sans aucune protection.
La fin de l’itinéraire se couche et reprend la fin de la voie « Cepeda », dans un registre moins technique moyennant un pas malcommode (mais aisément artifable) en fissure lustrée, avant que la châtière ne donne accès au haut de la face sud. De là une centaine de mètres de ressauts faciles (à faire corde tendue) mène au sommet, avant les 3 rappels de descente qui déposent dans la doline du cirque sud.
Au final une belle journée de plus de 12 heures de randonnée et d’escalade, et une première virée dans un massif parmi les plus beaux en calcaire, évoquant un peu des Ala Dag de bord d’océan. Reste donc à retourner à skis dans ces Pics d’Europe, très bien arrosés l’hiver comme en témoignent les nombreux névés encore présents en cette mi-août au-dessus de 2000 m, mais où il faudra justement composer avec une météo très capricieuse à quelques kilomètres de l’Atlantique.