Le 13 mars 2021
"allons bon ben v'la ot'chose", 3 longueurs, terrain d'aventures complet, 6b max
à mon sens 6b/6a/5c+
Retour sur la falaise de l’Oule, pour y grimper en terrain d’aventures sur son secteur occidental, entre les voies récemment équipées « pepito » et « pepita ». C’est le royaume des grandes cheminées déversantes au calcaire chipseux (dont la surface s’effrite au toucher) et aux formes souvent improbables, gargouilles, toits, concrétions et bouchons d’aragonite assurant le spectacle géologique avec la mer qui brille sous les chaussons. Ces cheminées peuvent parfois s’avérer difficiles à distinguer, et c’est ce qu’on expérimentera en comprenant au premier relais, après 25 mètres d’une escalade très délicate et bien difficile pour du 6a, que nous sommes dans la voie « allons bon ben v'la ot'chose » et non pas dans la « toujoursjamais » planifiée !
Ma proposition d'une petite voix aiguë et tremblotante de réchapper ne trouvera pas d’écho, et on poursuivra donc dans la chose, qui ne s’avèrera guère plus facile dans sa seconde longueur, particulièrement au-dessus du relais dans un pas athlétique sur de l’aragonite fragile et difficile à protéger. Le plaisir prendra l’ascendant sur la tension nerveuse plus haut jusqu’à la sortie, dans des cheminées puis fissures toujours aussi raides mais plus franches, sur un rocher toujours aussi beau, gargouilles et mini-arches de calcaire, niches sculptées en colonnes et stalactites, et pour l’une couverte d’un gros nid abandonné, bouchons d’aragonite, une géologie fantastique sur cette falaise protégée de l’érosion pluviale par les surplombs sommitaux. La géologie est belle, mais l’escalade tout autant : comme toujours à l’Oule, on grimpe principalement en écarts et coincements, ce qui rend cette voie globalement très déversante accessible aux petits biscotos comme les miens. Lorsqu’on atteint la sortie (un peu soulagé), un rapide coup d’œil en arrière confirme d’ailleurs cette raideur de la voie, puisque l’on se trouve une bonne dizaine de mètres en deçà du départ 90 mètres plus bas !
Au final, un autre registre d’escalade que le dièdre Guem parcouru une semaine plus tôt (!), et sans doute une des voies les plus exigeantes mentalement que j'aie jamais parcourues (pourtant exclusivement en second) ! Le sluff permanent à base de poussière d'aragonite et de chips de calcaire et le substrat instable non pas de neige mais de prises tiroir de pieds et de mains rappellent un peu le ski de couloirs... sauf qu'on ne skie pas dans des dévers !
C’est sûrement moins dur que « le bidule » (!), mais moins équipé que « le machin », et cette « autre chose » s’avère peut-être la voie la plus sérieuse que j’ai réalisée à ce jour dans les calanques… Pour poursuivre dans cette veine toponymique, on se dit dans le surplomb d’aragonite protégé sur friend qu’on ne fera plus jamais de tels trucs, avant, comme toujours, une fois l’adrénaline des dévers évacuée au profit de l’endorphine de la sortie, de se promettre d’y retourner dès que possible, dans la toujoursjamais ou ailleurs…
Merci donc à mon leader pour avoir sorti cette voie éprouvante qui nécessite un bon niveau physique, technique et surtout moral, et qui marque bien ses grimpeurs, tant mentalement que physiquement, puisqu’on en ressort couverts de poussière des pieds au casque. Sont de rigueur pour cette voie un jeu complet de friends (grandes tailles jusqu’au 5 compris), excentriques et nombreuses sangles – la ligne est vierge d’équipement nonobstant une sangle et un vieux piton bien usé.e.s - sans oublier casque… et lunettes de protection !
la falaise de l'Oule, secteur occidental, et le traçé de la voie du jour avec les 2 relais intermédiaires utilisés
dans L1, cheminée déversante sur aragonite délicate à protéger (gloups), et au relais une partie du matériel emporté
ambiance au second relais, vue vers la sortie de la cheminée de la seconde longueur de la "toujoursjamais" et le seul piton de la voie