Du 4 au 10 mars 2019
Semaine de kayak (ski en Turc) sur la Riviera Turque, près de la ville d'Antalya, plus connue comme destination estivale du tourisme de masse que comme Briançon ottoman. Le golfe d'Antalya est en fait bordé de montagnes titillant les 3000 mètres, et souvent plus alpines qu'on ne l'imagine... La Lycie reste d'ailleurs une terra incognita du ski de randonnée, bien loin des massifs plus connus en France des Aladag ou de l'Ercyies au nord-est d'Antalya.
Faute de topos et de retours, on aura donc le plaisir de plus en plus rare d'explorer à skis ces montagnes, sur la base des cartes sommaires open topo et des informations nivologiques glanées sur le Web. J'avais repéré sur le Web 2 sommets alpins et dotés de routes... ou téléphériques d'accès permettant de les sortir à la journée : le Dedegöl près d'Isparta, à la cote croissante auprès des grimpeurs pour ses aiguilles de calcaire protégées de boucliers de dalles cannelées, et le Mont Olympe Turc près d'Antalya, au nom turquisé en Tahtali, qui s'élève à près de 2400 mètres à quelques kilomètres de la mer, cas sans doute unique en Méditerranée. On alternera donc les camps de base entre Antalya et Isparta, situé à 2 heures de route au nord.
On retiendra surtout 2 splendides journées sur ces 2 sommets le 6 et le 8 mars, avec dans le versant ouest du Dedegol, pourtant déconseillé la veille par des skieurs Turcs rencontrés au Davraz, une superbe session de ski exploratoire : court portage au départ dans un village de bergers entre chèvres et veaux, montée au milieu d'une pinède, traversée entre les genévriers sous les formidables dalles cannelées qui ont fait connaître le massif des grimpeurs en Europe, découverte impromptue d'une grande arche au dessus d'un verrou glaciaire, avant en cerise sur le loukoum une sortie meringuée aux allures patagoniennes sur une brèche en V de la crête sommitale.
2 jours plus tard sur le Tahtali on sera transportés en Norvège avec la mer qui brille sous les spatules et les forêts d'éperons, les pins remplaçant ici les bouleaux arctiques... Après une montée en téléphérique, récemment construit pour offrir le panorama sommital aux touristes, et dont la gare d'arrivée dénature certes le sommet, on plonge à skis vers la Grande Bleue, sur une neige et un cadre de cinéma, sans avoir à se précipiter à la sortie de la benne pour être les premiers à tracer ! Au contraire, sous les regards étonnés des employés et des Asiatiques en voyage organisé, on prend tout son temps à repérer les plus belles lignes pour des descentes parfaites... avant de remonter en peaux vu l'altitude basse de la gare de départ du téléphérique. On n'y verra aucune trace, comme ailleurs à l'exception des randonnées au départ des stations de Saklikent et Davraz.
Niveau nivologie ([sic]), l'enneigement était bon, tant en quantité qu'en qualité, avec de la neige continue skiable à partir de 1500 m au nord et 2000 au sud, et de la poudreuse au nord au-dessus de 2000, transformée partout ailleurs. Nuits dégagées et donc excellent regel nocturne à toutes altitudes, sauf sous couvert forestier, et manteau stable partout et à toute heure, à l'exception des versants est du Dedegol le 7, où le moindre écart du fil de l'arête sommitale est puni de woufs et de fissures !
La neige transformée reste bonne à skier tout l'après midi en versant ouest, de quoi prévoir des horaires de départ acceptables pour des lève-pas-trop-tôt... A noter les grosses épaisseurs de neige dès 2000 m, on s'est amusés à mesurer l'épaisseur sur le Tahtali en versant ouest à 2050 m : la sonde n'y a pas suffi ! Au final et après pelletage environ 3m20 à cette altitude, à moins de 10 km à vol d'oiseau de la mer... Le climat local est d'ailleurs l'un des plus pluvieux de Méditerranée, les eaux chaudes du golfe d'Antalya (30 degrés à la fin de l'été, 17 degrés à la fin de l'hiver ) jointes à l'air froid de l'Anatolie génèrent de nombreuses et puissantes perturbations hivernales...
Niveau météo, le temps perturbé au début du séjour le 4 s'est amélioré progressivement jusqu'au grand bô a partir du 7 (bleu le matin puis passages nuageux accrochant les sommets le 5 et 6.) Peu de vent, mis à part un vent de nord modéré mais glacial le 7, et températures en hausse durant la semaine, isotherme 0 passant de 2000 à 3000.
Enfin, dans un pays déjà bon marché à l'origine, l'effondrement récent de la livre Turque à cause de la guéguerre entre les régimes Erdogan et Trump a rendu le coût de la vie encore plus modique pour les détenteurs de devises étrangères, et, sans être Auvergnat ou surendetté, on apprécie de payer le prix d'un petit-déjeuner la suite d'un palace 5* aux normes françaises ! Au final, encore une belle découverte que ces montagnes lyciennes pour mon cinquième voyage à skis en Turquie. On ne trouve pas ici l'ampleur des vallons des Aladag ou la sauvagerie des canyons du Munzur, mais des sommets isolés parfois majeurs. Quel petit coin de paradis pour la mer, la grimpe, le canyon... et le ski de randonnée que la région d'Antalya !
J1 : comme prévu ciel bouché, comme pas prévu la route d'accès traverse à gué, demi-tour et on finit la journée dans le spa de l'hôtel et non pas au fond du torrent !
J2 : sommet du Davraz au départ de la station éponyme. Belle ambiance à la montée dans les rochers plâtrés, mais le brouillard du nuage de fohn nous rattrape à 13h, et on finit la journée sur les pistes de la station...
Sommet : 2650 m
Dénivelée : 700 m
Difficulté : 3.1
J3 : crête sommitale du Dedegol par le versant ouest au départ du village d'Eldere. Une journée qui laissera pas mal d'images dans la mémoire des skieurs de rando, exploration, découvertes et grosse ambiance ! Le couloir skié au-dessus de la grande arche naturelle sera baptisé "couloir de l'arche perdue" en référence à la grande voie voisine du "monde perdu " !
Sommet : 2850 m
Dénivelée : 1550 m
Difficulté : 4.2
J4 : sommet du Dedegol par son versant nord. C'est évidemment moins grandiose que la veille, mais la vue du sommet sur les hauts plateaux anatoliens et le grand lac de Beysehir vaut son pesant de pistaches !
Sommet : 2950 m
Dénivelée : 1500 m (1850-1700-2950-2900-2950-2900-2950-1700-1850)
Difficulté : 3.3
J5 : Tahtali, descentes (et remontées !) des versants nord est sur 700 m et Sud-Ouest sur 300 mètres. Du grand ski dans un grand cadre, c'est méconnu mais absolument majeur, rien de moins à attendre d'un mont Olympe !
Sommet : 2350 m
Dénivelée : 1000 m (2350-1650-2350-2050-2350)
Difficulté : 3.3
J6 : Tunc Dagi, couloir nord central. Comme la veille, neiges de rêve, poudreuse et moquette de fin d'après-midi, dans un beau couloir encaissé au-dessus de la mer, qui plus est relativement facile et rapide d'accès !
Sommet : 2650 m
Dénivelée : 1100 m (1850-1750-2650-1950-2050-1750-1850)
Difficulté : 4.2
une sélection de photos du kayak sur la Méditerranée
J1 : les risques de la route Turque, les passages de torrents à gué et les voitures de policiers sur pilotis !
J3 : à la descente,de l'arche au village de bergers d'Eldere,, en passant par une pinède taillée pour le ski
J4 : sur la plateau sommital du Dedegöl, vues sur le grand lac de Beysehir à l'est et les sommets occidentaux du massif
J4 : à la descente, poudreuse tassée (parfois un peu soufflée) comme toute la semaine en versant nord...
J5 : dans la montée en téléphérique et au sommet du Tahtali, vues la mer et le doux relief karstique du versant sud-ouest
J5 : sondage, puis pelletage suivi de sondage dans un replat versant ouest à la cote 2050 m : 3m20 d'épaisseur !
J6 : à la montée, devant le calcaire blanc aux allures de marbre, puis la face nord et enfin le Tahtali skié la veille