AGORAMANIA : des grands espaces de Provence à la wilderness d'ailleurs
Des +6400 m de Bolivie aux -400 m de Jordanie, des monastères perchés des Météores aux églises troglodytes d'Abyssinie, des mosquées d'Ispahan aux dômes nervurés de Samarcande, du sable blanc du Nouveau-Mexique aux pitons gréseux du Hoggar...
Une fois n'est pas coutume pour un amateur d'ambiance et de cadre plus que d'escalade pure, petite séance de couennes au vallon du Saut à Châteauneuf-les-Martigues, où des pitons de calcaire se dressent au-dessus d'un labyrinthe de vallons (encore) boisés. Une approche courte, des voies faciles et très bien équipées, des ronces à mûres et des figuiers qui nous tendent leurs fruits, bref un site d'initiation de proximité tout indiqué, nonobstant les nuées de moustiques qui nous assaillent près des fourrés !
Après le calcaire de l’Ubaye sous les chaussons, place au calcaire des calanques ! Journée de kayak de mer au départ de Callelongue vers Riou dont on fera le tour dans le sens horaire, avec un arrêt pique-nique sur la plage de Monasterio et une plongée autour de l’Impérial du Large. La plage de Monasterio, idyllique et caribéenne avec sa plage de sable blanc (la seule des calanques ) protégée par une avancée rocheuse et bordée de nombreux lys des sables, un petit air caribéen malheureusement très fréquenté avec la flottille de bateaux qui y a jeté l’ancre… On en profitera pour monter en quelques minutes au col de la Culatte, pour y découvrir la magnifique côte sud qu’on naviguera bientôt. Un premier arrêt plongée à l’Impérial du Large permettra d’admirer de nombreux bancs de saupes autour du tombant de gorgones (dont des gorgones bleues à partir d’une quinzaine de mètres de profondeur, première fois que j’ai la chance d’en observer en apnée - à bout de souffle sans lest et palmes !), mais pas de mérous, peut-être effrayés par les chasseurs et pêcheurs croisés ici à l’abri visuel du Riou… On longera ensuite la côte sud de Riou, magnifique surtout dans sa partie occidentale avec le fjord de calcaire blanc et d’eaux azuréennes de la calanque des contrebandiers et les tours crénelées perchées au-dessus de la Grande Bleue ! Une dernière pause dans la calanque de Fontagne, en galets et donc infiniment moins fréquentée que celle de Monasterio plus à l’est, avant de revenir en une petite heure de pagaye à la mise à l’eau de Callelongue, et voilà cette journée maritime de transition bouclée entre 2 virées escalade !
système de grottes, siphons et tunnels marins, magnifique !
quelques mètres sous la surface
la plage caribéenne de Monasterio sur Riou et ses lys des sables, rares en face sur le continent
vues du col de la Culatte, côté sud et nord
autour de l'Impérial du Large, apogon (poisson petit, craintif et nocturne, un défi photographique !), saupes et... gorgone rouge (qui paraît bleue à 15 ou 20 mètres de profondeur)
dans la magnifique calanque des contrebandiers, un fjord marseillais !
Voie « le réveil des nummulites », équipé, 5 longueurs, 6b max 6a/5c/6a/6b/6a
Petite grande voie de matinée pour cette dernière journée passée en Ubaye, qui plus est en une journée où le temps tournera à l’orage plus tôt que les jours précédents. La voie du réveil des nummulites sur le Gréponnet, un sommet d’allure (presque) chamoniarde depuis la route du col de la Bonette. Bien loin du granite du Mont-Blanc on y trouve une base calcaire surmontée de grès rouges puis noirs, ce qui ferait plutôt penser aux mélanges géologiques hasardeux du Cap Canaille au sud… A rocher majeur voie majeure, on a tous les 3 beaucoup apprécié ces 5 longueurs sur un caillou et dans un style atypiques : fissures calcaire évasées lisses et raides dans L1, cheminée à renfougne dans L2, traversée déversante sur bacs de grès rouge dans L3, dalles et rétablissements sur aplats dans les très belles et soutenues L4 et L5 en grès noir. Au final et comme la veille une des plus belles voies de ces 4 journées de grimpe en Ubaye, le grès apportant en plus des formes douces apaisantes pour des orteils et doigts endoloris par le calcaire abrasif ! L’observation du ballet des nombreux vautours fauves apportera la touche finale à ce beau séjour Ubayen, durant lequel on aura croisé beaucoup plus de planeurs humains ou non que de bipèdes !
la face sud du Gréponnet : un petit air de Canaille avec ce calcaire coiffé de grès rouge
dans L1 en fissures de calcaire
L3 sur grès rouge
edelweiss sur la vire de transition en haut de L3
la magnifique L4 en 6b dalleux soutenu sur grès noir
Voie « sonnez et montez », équipé, 7 longueurs, 6a+ max 5b/5c/6a/6a/6a+/6a+ (1 pas)/5c+
Comme la veille, journée d’escalade au-dessus du hameau de Cloche, cette fois sur le pilier sud du Chapeau de Gendarme. Au final une magnifique journée d’escalade à tous point de vues et de chaussons ! L’approche à pieds reste variée, agréable et colorée à travers les dizaines de jardinières fleuries du hameau du Serre au départ du sentier, puis sur un chemin peu raide et bien marqué aux allures de single à VTT dans la forêt, avant des alpages fleuris et la magnifique vire aérienne mais large qui coupe la falaise. La voie continue sur cette belle mise en bouche avec de grandes longueurs d’escalade homogène, soutenue et toujours très bien équipée, un véritable crescendo de plaisir de la gestuelle sur les dalles cannelées de calcaire gris compact, sculpté et bien adhérent : jolie et courte dalle en fin de L3, superbe dalle à incrustations pour presque 50 mètres de 6a homogènes et soutenus en L4, dièdre-fissure plus impressionnant que difficile en L5, et splendides dalles terminales, des cannelures d’anthologie plein gaz au sommet du pilier, le tout dans une belle ambiance montagne. La descente se fait ensuite aisément en rappels dans la voie sur relais chaînés, idéal pour une journée annoncée orageuse mais globalement ensoleillée une fois de plus. Au final à mon sens une des plus belles voies d’escalade en calcaire des Alpes du Sud, injustement méconnue ou plutôt justement pour les amateurs de solitude : on aura encore croisé personne de la journée sur cette falaise pourtant majeure !
l'approche, jolie et variée entre alpages et vire plus impressionnante qu'exposée
Voie « versant soleil », équipé, 9 longueurs, 6b max 6a+/5c+/6a+/6b/A0 puis 6b/6b/6a/4c/5c
Première journée d’escalade sur le cirque de falaises dominant les ruines du village de Cloche, avec au menu le Pain de Sucre par la voie « versant soleil », qui remonte sa face sud-est sur des dalles de calcaire compact et sculpté. C’est une belle voie relativement soutenue dans le 6a/b et d’équipement typé montagne, rapproché dans le 6 et plus espacé ailleurs. On y trouve de beaux passages de grimpe, notamment en cannelures dans L4 et en dalle raide dans L6, mais les cumulus menaçants et quelques gouttes nous feront descendre dès la fin de L6, de toute façon un peu entamés par les 17 longueurs gravies en 2 jours. On retrouvera le soleil dès le bas des rappels, de quoi profiter au mieux des lumières d’orages en face sur le massif du Pelat et des framboises dans les ruines du hameau de Cloche !
approche bucolique à travers les alpages et le hameau ruiné de Cloche
dans L1
L3
les cannelures de L4, de l'adhérence pure
dans la longue et soutenue L6
au départ des rap^pels
au retour, lumières pré-orageuses sur le Cimet et le Grand Cheval de Bois
Voie « les jardins d’Amandine », équipé, 11 longueurs, 6a max 5b/6a/6a/6a/6a/5c/4/5b/5c/5c/4
Début d’une petite semaine, ou week-end prolongé (!), sur les falaises de l’Ubaye, loin des foules qui envahissent par exemple les falaises de la Vallouise ! Ici pas de cordées qui patientent au pied des dalles de gneiss mais de grands piliers de calcaire ignorés des grimpeurs (mais heureusement pas vierges d’équipement…) ; on ne verra pas la moindre cordée durant les 4 jours passés sur le caillou local ! Vu la météo instable annoncée et la reprise de la grimpe pour certains, on s’oriente vers une voie pas trop difficile qui peut se descendre en rappel, les « jardins d’Amandine » remplissant bien ce cahier des charges. Au final une jolie voie qui déroule ses 11 longueurs sur 2 ressauts, et qui vaut surtout par son beau et bon rocher, de la quartzite comme à l’aiguille Pierre André voisine. Si ici la quartzite reste plus grise que rouge, elle reste compacte et le rocher s’avère donc excellent sur le premier ressaut, et encore bon sur le second. L’escalade peu raide n’excède pas le 6a mais demande tout de même un peu de technicité sur ce rocher compact tout en prises peu franches, arêtes obliques ou verticales, et l’ambiance est bien là, particulièrement à la fin du premier ressaut où le vide se creuse. Le retour pédestre par le sommet de la Tête du Sanglier et ses vues panoramique sur le massif du Chambeyron, puis la descente par le vallon des Houerts, avec la ravissante bergerie en pierres récemment rénovée blottie sous la grande paroi est du Sommet Rouge (déjà gravie 2 fois) près d’un tapis de verdure dans le méandre du torrent. On peut y admirer les belles formations rocheuses versant sud du Panestrel, une forêt de piliers et d’aiguilles de calcaire qui laisse deviner de magnifiques couloirs skiables…
la paroi du jour à droite
dans le premier ressaut
à la descente dans le vallon des Houerts, vues vers la magnifique face sud du Panestrel et la face est du Sommet Rouge au-dessus de la bergerie
Retour dans la grotte marine situé dans les calanques, déjà recherchée vainement en juin. L’entrée de la grotte sera bien découverte cette fois, et la cavité, qui est constituée d’une salle inondée au plafond bas couvert de stalactites, superbe malgré l’accès un peu ingrat et l’eau froide et turbide. Une ambiance unique pour les calanques donc (qui rappelle - en moins grandiose - les grottes marines de Majorque) dans ce lac souterrain sous couvert de stalactites, à explorer de manière plus approfondie, et avec de meilleurs moyens d’éclairage et de photographie, pour rendre hommage de manière plus aboutie à cette salle magnifique !
Une fois ressortis à l’air libre on se dirigera vers la grotte de la Poulidette pour y retrouver une eau limpide et chaude, et de très belles lumières sur les gorgones se découpant sur le bleu azur des eaux éclairées par le siphon…
Un article plus complet sur les grottes des calanques ici : http://deprovenceetdailleurs.net/2020/07/anthologie-des-grottes-des-calanques.html
Voie les cheminées tubulaires, équipé, 6b max 6a+/6b/6b
Parcours de la voie des « cheminées tubulaires » dans la face nord de la Candelle, un itinéraire encore confidentiel et qui pourtant aurait à mon sens vocation à devenir rapidement classique : une belle ligne à travers cheminées… tubulaires, ludique avec la traversée de plusieurs châtières puis une sortie sur des dalles raides et sculptées. On y trouve des passages exceptionnels comme les cheminées spéléo à renfougne de L1, où l’on grimpe de niche en niche dans les entrailles de la Candelle, et la fin de L2 – début de L3 en murs fissurés plein gaz une centaine de mètres au-dessus du couloir du Candélon. Le rocher typé face nord, particulièrement dans la première moitié, mérite bien sûr encore quelques précautions, mais un peu de passage devrait rapidement y remédier, et l’équipement bien pensé sur goujons et lunules reste de toute façon bien sécurisant (quelques friends petits et moyens peuvent tout de même rassurer dans L1). On ne se lasse pas de la sortie sur l’arête de Marseille puis le sommet de la Candelle avec leurs vues panoramiques sur le littoral de Fos au Cap Sicié, encore plus ce jour dans une lumière d’hiver et un ciel lavé par le mistral. Une voie à recommander donc sans réserve pour les après-midis et soirées d’été, pour qui voudra bien effectuer l’heure d’approche sous le soleil !
tracé de la voie face nord de la Candelle
dans la magnifique L1 en cheminée... tubulaire
dans la châtière au départ de L2
fin de L2 plein gaz au-dessus du couloir du Candélon
Voie l’AJ, 4 longueurs, équipé, 6b max 5c/5c+/5b/6b
Petite grande voie de fin d’après-midi sur la face est de l’aiguille de Sugiton, à l’ombre au-dessus des eaux turquoise de la calanque éponyme. La voie « l’AJ » remonte un système de fissures en 5b/c jusqu’à contourner par la gauche le toit sommital dans un court pas de 6b, et offre 2 belles longueurs initiales en dalle, fissure et traversée sur un rocher encore neuf. La descente se fait par une arête en facile en désescalade puis un seul rappel de 50 mètres (et pas un de moins !) dans la voie de l’ANPE. Une voie à recommander donc pour une initiation à un grimpeur de 5sup, on y trouve en une petite poignée d’heures un véritable condensé d’escalade dans le cadre magnifique de Sugiton !
J'ai été surpris de constater qu'une photographie de ce site avait été utilisée par l'édition papier d'un quotidien local, son site Internet et son fil Facebook, et que mon texte avait été plagié, sans mon information, mon accord et sans aucun crédit. Cet article traite d'une très belle calanque proche de Marseille mais méconnue :
La loi française stipule pourtant que le droit d'auteur s'applique pleinement sur Internet, tant sur le plan moral que patrimonial, sans besoin de mention expresse. Je me refuse d'ailleurs à enlaidir mes photos en y rajoutant mon nom, sachant que de toute façon cette mention peut aisément être contournée par recadrage et/ou retouche photo...
J'ai collaboré avec plaisir par exemple à l'illustration photographique de topos d'escalade des calanques, d'un article de Montagnes Magazine ou du Conservatoire du Littoral, mais ceci faisait évidemment suite à une demande préalable, un accord de mon côté et un crédit des photos, bien loin de la désinvolture du quotidien ci-dessus. J'avais déjà été confronté à un cas d'utilisation de photos par un site Internet de moniteurs de canyon dans le Verdon, sans demande préalable et sans crédit, et nous nous étions mis d'accord a posteriori...
Je ne peux pas en revanche accepter un tel comportement de la part d'un quotidien à gros tirage, dont les journalistes devraient être au fait des règles relatives à la propriété intellectuelle.
Je le répète donc, et c'est le but de cet article, ce site n'est pas libre de droits, tant pour les photos que pour le texte, et toute utilisation nécessite mon accord préalable... Ce site n'EST PAS une banque d'images en libre service, et il faut évidemment me contacter avant d'envisager de reproduire mes clichés des glaciers de sel Iraniens, des canyons Omanais, des falaises du Kurdistan Turc ou même des calanques "secrètes" de la côte bleue, des ailleurs parmi tant d'autres un peu moins mitraillés que le Mont-Blanc depuis les Aiguilles Rouges...